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Les congés illimités : Faut-il se lancer ?

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8 minutes de lecture
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Importé par les entreprises américaines de la technologie et les start-up, les congés illimités, souvent appelés « congés à discrétion » ou « congés non comptés » sont un modèle de gestion des congés qui permet aux employés de prendre autant de jours de congé qu’ils le souhaitent, sans qu’il y ait un nombre de jours de congé fixé à l’avance.

D’abord, avec l’objectif d’attirer les candidats, dans un contexte de difficultés à recruter, le principe repose sur la confiance et l’autonomie des employés pour gérer leur temps de congé de manière responsable. Des jours de congés à la demande, cela fait rêver, mais l’approche a aussi ses limites. Elle doit être bien encadrée. Tour d’horizon des avantages et inconvénients de la mise en place des congés illimités.

Mode éphémère ou tendance durable : avis partagé dans ce webinar à voir en replay.

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Quel est le principe de la politique de congés illimités ?

Son fonctionnement part de 6 principes :

  1. Pas de limite prédéfinie, contrairement aux systèmes de congés traditionnels qui allouent un nombre spécifique de jours de congé par an.
  2. Responsabilité de l’employé qui gère son temps de congé de manière à ne pas compromettre son travail ou les objectifs de l’entreprise. Cela suppose une communication ouverte avec l’employeur pour planifier les jours posés de manière adéquate.
  3. Flexibilité pour prendre des congés quand chacun en a besoin ou le souhaite, que ce soit pour des vacances, des raisons familiales, des congés de maladie, ou d’autres raisons personnelles.
  4. Culture d’entreprise  axée sur la confiance, la responsabilité et l’évaluation de la performance.
  5. Communication ouverte et coordination entre les employés et les employeurs pour s’assurer que les congés n’entravent pas le fonctionnement de l’entreprise.
  6. Respect de la législation par les employeurs qui s’assurent que les employés sont rémunérés pour les jours de congé pris.

Les avantages escomptés des congés illimités

Les congés illimités permettent au salarié de prendre ses congés sans avoir un nombre de jours à poser préalablement donnés sur une période de référence.

En France, cela signifie des jours de congés supplémentaires en complément des cinq semaines de congé obligatoires prévues par le Code du Travail.

Un levier d’attractivité RH

Du côté des employeurs, la mise en place des congés illimités vise souvent à attirer plus facilement les candidats. Mais pas seulement.

C’est aussi un outil de motivation et d’engagement des équipes. Basé sur la confiance, le modèle encouragerait l’implication des salariés et leur donnerait plus d’autonomie et de pouvoir d’agir, qui sont les fondamentaux de la Qualité de Vie au Travail.

Un levier vers la performance

De nombreuses entreprises mettent en avant le lien entre congés illimités et performance au travail. Selon elles, les employés seraient finalement plus productifs les jours de travail.

L’explication : le principe des jours de congés illimités implique de déployer une culture du résultat dans l’entreprise, et donc d’engager plus facilement les employés vers l’atteinte de leurs objectifs individuels et collectifs.

Des bénéfices sur la santé

Les congés illimités permettent aussi de mieux fractionner la prise de congés payés  et de “souffler” en posant une journée de repos rémunérée, quand on se sent fatigué.

Or, il est prouvé qu’il est plus bénéfique pour la santé de se reposer à intervalle régulier plutôt que d’accumuler de la fatigue jusqu’à poser les sacro-saintes 3 semaines de congé d’été.

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Les congés illimités face à la réalité des pratiques

Derrière l’eldorado des vacances illimitées, se cachent quelques effets pervers potentiels qui peuvent nuire au bien-être des salariés. Voici ceux que vous devez débusquer avant de mettre en place ce type de mesure RH.

Les congés illimités versus le présentéisme

En effet, cette politique RH repose sur le principe de la responsabilisation individuelle et du management par la performance. Autrement dit, ce sont les résultats du travail effectué qui sont contrôlés et non la présence sur site.

La question des congés illimités s’est imposée sur le devant de la scène en France, pour passer d’une culture des moyens à une culture des résultats. Mais le chemin est long, car le présentéisme en France demeure très important.

Selon un sondage récent mené par l’Ipsos pour le compte de la start-up Ourco et relayé par Culture RH, 74% des salariés déclarent avoir au minimum une journée sur le mois durant laquelle ils sont présents au travail, sans pour autant réaliser leur travail et être productifs.

Et parmi ces derniers, 28% estiment faire du présentéisme entre une à deux journées par semaine !

Même en télétravail, le présentéisme existe. Ces salariés se connectent et interagissent avec leurs collègues pour montrer qu’ils travaillent, ce qui, in fine, pénalise la performance collective de l’équipe.

Concrètement, la mise en place des congés illimités permettrait de changer de paradigme, mais rien n’est encore gagné !

Des congés limités par la performance

Aux Etats-Unis, on constate que les salariés des entreprises qui ont mis ces mesures en place ne prennent finalement qu’une dizaine de jours de congés par an. Mais c’est un cas spécifique, car la réglementation sur les congés payés n’est pas la même qu’en France.

En France, les employés qui bénéficient des congés illimités ne prennent que deux à cinq jours de congés de plus que la moyenne des Français : 33 jours par an selon les données de la Dares.

Parmi les critiques du modèle, certains pointent la culpabilisation et la surresponsabilisation du salarié dans la prise des congés. Le contrôle des demandes de congés payés et du temps de travail par les hiérarchiques est finalement délégué à l’individu, voire aux pairs.

Dans certaines entreprises, ce sont les collègues de travail qui valident le fait que la prise de congés ne nuise pas à l’organisation du travail. On arrive alors à une forme d’auto-contrôle qui peut être plus dure et coercitive qu’une validation de la pose des congés par le manager.

Des pièges à culpabilité

Autre point de vigilance : le stress généré par un modèle qui donne de grandes marges de manœuvre aux employés les plus performants et rapides, et qui pénalise les employés en difficulté.

Tout le monde n’exécute pas les tâches à la même vitesse et certains collaborateurs peuvent culpabiliser de ne pas réussir à atteindre les objectifs aussi facilement que leurs collègues.

Conséquence : de nombreux salariés hésitent à s’absenter ! Dans ce modèle, la vitesse d’exécution et la performance sont récompensées. Mais cela peut avoir des effets délétères sur la santé au travail. C’est pourquoi la mise en place des congés illimités doit être anticipée et cadrée.

Le bon cadre pour déployer les congés illimités

D’abord, parce qu’il existe en France une réglementation sur les congés payés que l’employeur est tenu de respecter. Les vacances sans limites doivent d’abord s’articuler avec le droit du Travail !

Le droit du travail et les vacances sans limites

A la différence des américains, les salariés français bénéficient de cinq semaines minimum de congés payés par an. Et l’employeur doit donc garder une traçabilité du temps de travail du salarié et des jours de congés payés effectués.

Si le modèle des congés illimités repose sur l’atteinte des objectifs, un salarié est en droit d’attaquer son employeur s’il estime que les conditions d’accès aux congés illimités entravent son droit aux congés payés, qui est garanti par le Code du travail, sans obligation de performance.

Concrètement, cela signifie que la prise de congés illimités doit s’inscrire comme un complément aux cinq semaines obligatoires que l’employeur doit organiser en entente avec les besoins de ses salariés et son organisation, quitte à imposer certaines dates de congé.

Or, avec les congés illimités, le manager n’a plus de cadre pour refuser une date de congé payé. Il faut donc être très rigoureux et s’assurer de mettre en place les bonnes pratiques.

Les bonnes pratiques pour mettre en place les congés illimités

  1. Organiser un temps de suivi régulier avec le manager, pour veiller à ce que les collaborateurs aient pu profiter d’un minimum de congé payé dans la période de référence ;
  2. Poser un cadre collectif, ou une charte interne, pour s’assurer que les congés supplémentaires ne soient pas synonymes de course à la surperformance et de stress au travail ;
  3. Définir des délais de prévenance et des modèles transparents sur les prises de congés complémentaires (calendrier partagé, etc.)
  4. Spécifier des objectifs atteignables et mesurables si la prise de congés illimités est liée à la performance individuelle ;
  5. Opter pour des alternatives aux congés illimités.

Les alternatives aux congés illimités

Il existe d’autres manières de renforcer l’équilibre de vie des collaborateurs. Parmi les alternatives les plus connues, les congés supplémentaires par accord collectif, les congés surpayés, les congés menstruels ou encore la semaine de quatre jours.

Les accords collectifs d’entreprise

Depuis la Loi Travail en 2016, la durée de chaque congé, le nombre de renouvellements possibles, les conditions d’ancienneté pour en bénéficier, si elles existent, et les délais de prévenance relèvent de la négociation collective.

La durée de certains congés supplémentaires (RTT, congés de proche aidant, congés familiaux, congés de fractionnement) ne peut pas être inférieure aux minima légaux mais peut être augmentée par accord d’entreprise.

Les congés surpayés

Le principe consiste à donner une prime aux salariés qui prennent des vacances ! Exemple : l’organisme de formation en ligne OpenClassrooms verse une prime de 1 000 € à ses collaborateurs qui prennent plus de 3 semaines de vacances d’affilée, pour les encourager à prendre des congés plus longtemps.

Les congés menstruels

C’est encore un autre sujet car il ne concerne qu’une catégorie de salariés. Pourtant, le congé menstruel, obligatoire en Espagne, fait de plus en plus parler de lui.

Il permet aux femmes de bénéficier d’un jour de congé supplémentaire en cas de menstruations douloureuses, sans certificat médical.

La semaine de 4 jours

La semaine de 4 jours est aussi une tendance qui se confirme dans plusieurs pays, comme la Belgique, l’Islande et l’Espagne. En France, certaines entreprises, comme la société lyonnaise LDLC, sont pionnières dans le pays. Mais les préjugés ont la vie dure, et le phénomène n’est pas massif.

Les congés illimités, c’est une question de mentalité

Conclusion : il existe des avantages et des inconvénients aux congés illimités. Tout est une histoire de culture RH et d’organisation.

Pour mettre en place ce type de démarche sans effet inverse sur la QVT, il faut se donner les moyens d’une gestion du temps et des performances transparente pour les managers comme pour les collaborateurs.

Bref, il faut parfois savoir changer de logiciel, dans tous les sens du terme !

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Rédactrice RH freelance, je possède dix ans d’expériences professionnelles en tant que chargée de mission, puis consultante RH, au sein d’environnements variés de l’industrie, du service public de l’emploi et d'organismes de formation professionnelle continue. Ce parcours m’a permis d’aborder les thématiques liées à la GPEC, à la prospective RH et l'ingénierie de formations et d’accompagner les acteurs des territoires, les entreprises et les actifs dans la gestion des parcours et des compétences. Aujourd’hui, j’accompagne les différents acteurs de la chaîne de valeur RH à gagner en visibilité et à accompagner le changement, en produisant des contenus utiles et pertinents pour les professionnels RH et les actifs en transition.

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