Le droit du travail français est très protecteur et les employeurs doivent respecter des motifs de licenciement stricts. Justifier du caractère réel et sérieux de la rupture du contrat de travail est indispensable.
À défaut, l’employeur s’expose à l’obligation de réintégration du salarié licencié ou au paiement d’indemnités après un passage aux Prud’hommes, dans le cas d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou abusif.
Malgré cette protection des employés par un Code du Travail assez contraignant pour l’employeur, la France est le pays qui compte le plus de travailleurs frontaliers.
Près de 424 400 actifs traversent une frontière pour travailler dans les pays limitrophes, comme la Suisse, l’Allemagne, la Belgique ou le Luxembourg.
De nombreuses entreprises embauchent également à l’échelle européenne. Or, les règles applicables pour rompre un contrat ne sont pas les mêmes.
Nous vous expliquons quels sont les motifs de licenciement valables sur ces territoires.
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Table des matières
Quels sont les motifs de licenciements valables en France ?
En France, on distingue deux cas de licenciement :
- Les licenciements pour motif économique ;
- Les licenciements pour motif personnel.
Chacun d’eux se divise en différents motifs légitimes, qui justifient d’une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Les motifs de licenciement économique en France
Il est possible de licencier un salarié pour motif économique dans les cas suivants :
- L’emploi du salarié est supprimé ;
- L’emploi du salarié est transformé ;
- Un élément important du contrat de travail est modifié ;
Dans les deux derniers cas, si le salarié refuse la modification de son poste et de son contrat de travail, la rupture du contrat de travail est possible.
En revanche, la modification du contrat ou du poste de travail doit être justifiée par l’employeur pour des raisons économiques. Celles-ci peuvent être :
- Des difficultés économiques ;
- Des mutations technologiques qui impactent les postes de travail et les compétences ;
- Une réorganisation de l’activité pour sauvegarder la compétitivité;
- Une cessation d’activité.
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Les difficultés économiques
Le motif de difficulté économique devra être justifié par un indicateur chiffré, tel que la baisse du chiffre d’affaires sur plusieurs trimestres consécutifs, des pertes d’exploitation ou une dégradation de l’excédent brut d’exploitation (EBE).
Ces critères ne sont pas cumulatifs, mais ils doivent être significatifs. Seul le juge est habilité à apprécier la réalité de ces difficultés en fonction du contexte de l’entreprise.
Les mutations technologiques
Ce motif s’applique si l’entreprise fait face à des mutations technologiques qui transforment les postes de travail de manière structurelle.
Avant de recourir à ce motif, l’employeur devra justifier d’avoir rempli son obligation de formation et d’adaptation du salarié à son poste de travail, mais également d’avoir proposé un reclassement sur un autre poste de travail (Article L1233-4 du Code du travail).
La sauvegarde de la compétitivité
Si l’entreprise n’a pas d’autre choix que de se transformer pour sauvegarder sa compétitivité sur son marché, la réorganisation peut être un motif pour licencier des salariés dont les postes de travail sont supprimés ou transformés, du fait de cette réorganisation.
Bon à savoir : la notion de sauvegarde de la compétitivité peut porter à confusion. L’employeur ne peut invoquer ce motif de licenciement que si la pérennité et la compétitivité de l’entreprise sont menacées dans leur entièreté. Une compétitivité insuffisante ou une volonté d’améliorer les marges ne sont généralement pas considérées comme des raisons valables, et le tribunal peut remettre en cause la responsabilité du dirigeant.
Le licenciement pour cessation d’activité
Lorsque la cessation d’activité est définitive, elle peut constituer un motif économique réel et sérieux.
Il faut cependant distinguer ce motif d’une fermeture prolongée et temporaire, qui donnera lieu, non pas à un licenciement mais à des aménagements de contrats de travail tels que le chômage partiel ou technique.
Le refus de modification du contrat de travail
Celui-ci constitue un motif valable de licenciement lorsqu’elle est justifiée par une réorganisation de l’activité et qu’elle est refusée par l’employeur.
Elle traduit par la modification d’un élément essentiel du contrat de travail.
Par exemple :
- Un changement de lieu de travail (sauf en cas de clause de mobilité);
- Un changement significatif des horaires de travail ;
- Une réduction du temps de travail avec réduction de la rémunération ou d’un avantage.
Parmi les autres éléments qui caractérisent un élément essentiel du contrat de travail :
- Le lien de subordination ;
- Les fonctions ;
- La rémunération.
L’altération des responsabilités et des fonctions constitue une modification du contrat de travail selon un arrêté de la Cour de cassation du 30 mars 2011 n° 09-71824.
En revanche, l’octroi de nouvelles tâches qui correspondent à la qualification du salarié constitue un simple changement des conditions de travail.
Bon à savoir : le licenciement d’un salarié protégé pour refus de modification du contrat de travail implique l’accord préalable de l’inspecteur du travail
Les licenciements pour motifs personnels en France
Les licenciements pour motif personnel se divisent en deux catégories :
- Les licenciements disciplinaires ;
- Les licenciements non disciplinaires.
Ils doivent toujours être justifiés pour une cause réelle et sérieuse et ne doivent jamais être fondés sur un motif discriminatoire.
Autrement dit, les motifs invoqués ne doivent pas porter sur la personne du salarié.
Quels sont les motifs de licenciement pour faute grave ?
On distingue trois types de faute qui peuvent motiver un licenciement disciplinaire en France :
- La faute simple ou sérieuse est une négligence ou une erreur répétée du salarié (irrégularité, manquement aux règles de sécurité, absences répétées) ;
- La faute grave empêche le maintien du salarié dans l’entreprise (harcèlement, violence, etc.) ;
- La faute lourde relève d’une intention de nuire à l’employeur (violation du secret professionnel,vol de données, etc.) .
La motivation d’une rupture de contrat de travail pour raison disciplinaire devra toujours s’appuyer sur des faits constatés et vérifiés.
Les motifs invoqués ne peuvent être une atteinte au droit d’expression du salarié ou au droit de grève.
Les faits reprochés ne seront pas discriminatoires et ne devront pas porter atteinte à la vie privée.
Les motifs de licenciement pour raison personnelle
On distingue :
- L’insuffisance professionnelle (incompétence) ;
- L’insuffisance de résultats ;
- L’inaptitude physique ou mentale d’origine professionnelle ou non professionnelle constatée par le médecin du travail;
- Les absences prolongées qui nécessitent un remplacement du poste ;
- L’incompatibilité d’humeur ;
- Le refus de modification du contrat de travail.
Là aussi, la maladie, la parentalité, la vie privée, les opinions personnelles ne peuvent pas entrer en ligne de compte car ce sont des motifs discriminatoires.
Ainsi, l’entreprise ne pourra pas licencier un salarié pour insuffisance professionnelle si celui-ci l’a informé de difficultés de santé liées à ses conditions de travail (burn-out) car ce motif pourrait être considéré comme discriminatoire.
Exemple de motif de licenciement pour cause réelle et sérieuse
Pour bien comprendre la différence entre un motif personnel réel et sérieux et un motif discriminatoire, prenons un exemple.
Vous ne pouvez pas sanctionner un salarié parce qu’il a des problèmes d’alcool, si celui-ci ne se présente pas en état d’ivresse sur le lieu de travail.
En revanche, une conduite en état d’ivresse, même en dehors du temps de travail, peut être sanctionnée si elle entraîne la perte du permis de conduire, et que le salarié en a besoin pour son travail, que ce soit de manière ponctuelle ou régulière.
Le licenciement des travailleurs frontaliers
Le droit du travail français est réputé pour être l’un des plus contraignant pour les employeurs mais aussi le plus protecteur pour les employés.
À titre de comparaison, voici les motifs de licenciement valables en Suisse, au Luxembourg, en Allemagne et en Belgique qui captent plus de 91% des travailleurs transfrontaliers.
Les motifs de licenciement en Suisse
La Suisse reste la première destination des travailleurs frontaliers, et capte près de 50 % des flux de salariés concernés selon une étude de l’INSEE.
En suisse, un employeur peut licencier un salarié sans motif.
Le droit du travail y est plus souple qu’en France, il n’y a donc pas besoin de motiver la rupture du contrat.
La procédure de licenciement n’exige aucun entretien préalable. L’employeur doit cependant respecter un préavis.
Celui-ci est d’un mois pour un an de contrat, de 2 mois pour une ancienneté comprise entre 2 et 10 ans, et de 3 mois pour un contrat qui dure depuis plus de dix ans.
Il y a cependant certaines exceptions qui empêchent de licencier un salarié suisse : la maternité et l’incapacité de travail ( totale ou partielle) en font partie.
Les règles qui s’appliquent au Luxembourg
Le Luxembourg est le second pôle de travailleurs français et concentre 20 % des flux d’employés. Pour les frontaliers du Grand-Est, les motifs de rupture de contrat au Luxembourg sont sensiblement les mêmes qu’en Suisse.
L’employeur peut rompre le CDI même si le salarié n’a pas commis de faute. En revanche, il devra respecter un préavis, et verser au salarié une indemnité de rupture.
Les motifs de licenciement au Luxembourg peuvent être :
- Un motif personnel,
- Les nécessités de fonctionnement de l’entreprise.
Le motif personnel peut être invoqué dans le cas d’une qualité ou quantité insuffisante du travail fourni par le salarié, d’absences trop fréquentes ou prolongées, ou d’une incapacité de travail après expiration du délai de protection de 26 semaines.
La nécessité de fonctionnement peut être justifiée par une restructuration de l’entreprise ou la suppression de certains services.
Pour licencier plusieurs employés au Luxembourg, l’entreprise devra recourir à la procédure collective pour licencier plus de 7 salariés sur une période d’un mois, ou plus 15 salariés sur une période de 3 mois.
Contrairement aux règles en vigueur en France, le licenciement économique au Luxembourg n’engage pas l’employeur à proposer un reclassement à la personne licenciée au sein de son entreprise ou à l’externe.
Les procédures de licenciement en Allemagne
Il existe trois types de licenciement en Allemagne :
- Le licenciement économique peut être motivé si le poste du salarié disparaît durablement et aucun autre poste ne peut lui être proposé.
- Le licenciement pour motif personnel est possible lorsque le collaborateur n’est plus à même d’effectuer les tâches dont il a la charge, par exemple en cas de maladie.
- Le licenciement pour motif disciplinaire concerne les employés qui ont commis une faute.
- L’employeur est tenu de respecter un préavis dont la durée est fonction de l’ancienneté du salarié.
Les motifs de rupture de contrat en Belgique
Les modalités de ruptures d’un contrat de travail par l’employeur en Belgique sont plus proches de celles du droit du travail français.
Il existe quatre motifs de licenciement en Belgique, reconnus par le Service Public Fédéral de l’Emploi, du Travail et de la Concertation Sociale :
- Le licenciement pour faute s’applique en cas d’abandon de poste, d’absences injustifiées, d’actes de violence ou d’injures, d’actes de concurrence déloyale ou de non-respect des consignes de sécurité.
- Le licenciement pour inaptitude fait suite à un avis médical et peut concerner une incapacité primaire ou une invalidité.
- Le licenciement économique ou lié à une restructuration.
- Le licenciement pour motif personnel.
Comme en France, l’employeur doit justifier que le motif est réel et sérieux et qu’il ne relève pas d’un motif discriminatoire.
Il existe aussi le licenciement conventionnel qui est l’équivalent de la rupture conventionnelle du contrat de travail en France.
En définitive, quel que soit le pays concerné, vous devrez toujours garder en tête que le motif de licenciement doit être justifié par des causes exogènes (motifs économiques) ou endogènes (motifs personnels).
Assurez-vous surtout que les faits invoqués ne soient pas discriminatoires ou liés à l’état de santé, à la maternité, ou à l’orientation sexuelle, politique ou religieuse du licencié.