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Licenciement pour inaptitude : précautions et subtilités de procédure

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6 minutes de lecture
Licenciement pour inaptitude (1)

La jurisprudence a tranché, dans un arrêt de la Cour de cassation du 08 février 2023(1) : le salarié déclaré inapte au travail ne peut pas être licencié pour faute lourde, l’employeur doit engager une procédure de licenciement pour inaptitude.

Cette décision rappelle les enjeux en matière de santé au travail, et renforce la protection des salariés.

En tant qu’employeur, vous êtes attentif à la santé de vos collaborateurs.

C’est en effet un élément essentiel de votre politique de QVCT. La santé au travail est une priorité, qui doit mobiliser à la fois votre service RH et vos salariés.

En renfort, la médecine du travail effectue régulièrement différents types de visites médicales en entreprise. C’est à ces occasions qu’un salarié peut être déclaré inapte au travail.

Le cas échéant, vous devez réagir conformément aux prescriptions légales et jurisprudentielles. On fait le point sur vos obligations en vertu de la loi et des récentes décisions de justice.

 

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Les circonstances de l’inaptitude au travail

Une maladie ou un accident peut altérer l’état de santé d’un salarié, au point de le rendre inapte à occuper son emploi dans l’entreprise. La loi impose alors de réagir. Au-delà de l’enjeu légal, une prise de décision s’impose à deux égards :

  • Si le salarié continue d’occuper son emploi, son travail est pénible et son état de santé risque de se dégrader.
  • Un salarié inapte n’est pas performant dans son travail. C’est un manque à gagner pour votre entreprise.

Pour ces raisons, vous avez tout intérêt à solliciter une visite médicale au moindre doute.

Quelle est l’origine de l’inaptitude au travail ?

Un salarié peut être déclaré inapte au travail suite à un arrêt maladie, parce qu’il est tombé malade ou qu’il a eu un accident. Dans ce cas, il est important de déterminer l’origine de la maladie ou de l’accident.

Selon les circonstances, en effet, vous ne verserez pas les mêmes indemnités en cas de licenciement pour inaptitude.

  • L’inaptitude est d’origine non professionnelle suite à un arrêt maladie ordinaire.
  • L’inaptitude est d’origine professionnelle suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle. Dans ce cas, les indemnités de licenciement pour inaptitude sont supérieures.

Hormis ces cas classiques, l’inaptitude au travail peut être liée à une maladie chronique, de type affection de longue durée, dont le salarié ne vous a pas nécessairement fait part lors de son embauche.

Quelles que soient les circonstances et l’origine de l’inaptitude, les visites médicales sont essentielles pour vous sécuriser.

Quand organiser les visites médicales dans votre entreprise ?

Il existe 5 types de visites médicales :

  1. Tout nouveau collaborateur doit bénéficier d’une visite d’information et de prévention (Vip) dans les 3 mois de son embauche(2).
  2. Si votre activité expose vos salariés à des risques élevés sur leur santé, ils bénéficient d’un suivi individuel renforcé (SIR).
  3. Vous pouvez organiser une visite médicale de reprise du travail suite à un arrêt maladie. Dans certains cas, cette visite est obligatoire(3).
  4. À ses 45 ans, le salarié bénéficie d’une visite médicale de mi-carrière.
  5. La visite médicale peut être organisée sur votre demande ou sollicitée par un salarié.

C’est à ces occasions que le médecin du travail peut constater l’inaptitude au travail. Les formalités d’organisation des visites médicales peuvent vous paraître rébarbatives, soit.

Sachez toutefois que c’est un moyen préventif très efficace pour éviter de mauvaises surprises…

En évaluant régulièrement l’état de santé de vos salariés, vous vous assurez en effet qu’ils sont parfaitement aptes à occuper leur emploi.

Vous garantissez donc leur bien-être au travail, et leur performance. À défaut, vous réagissez promptement : soit en proposant un emploi mieux adapté, soit en engageant une procédure de licenciement pour inaptitude.

Quelle est la procédure en cas d’inaptitude au travail ?

L’inaptitude au travail est constatée par un médecin du travail. Dès lors, vous avez deux possibilités : si possible, vous reclassez le salarié ; sinon, vous le licenciez pour inaptitude.

Reclasser le salarié

Vous avez une obligation de reclassement du salarié inapte. C’est-à-dire que vous devez mettre tout en œuvre pour lui proposer un autre emploi. Cet emploi doit être adapté aux compétences du salarié, et à son état de santé.

L’avis du médecin du travail, ainsi que les recommandations du CSE, vous guident dans votre démarche de reclassement.

Rompre le contrat de travail

Vous êtes autorisé à procéder au licenciement pour inaptitude dans 3 situations :

  • L’avis du médecin du travail mentionne l’impossibilité du reclassement eu égard à l’état de santé du salarié.
  • Votre salarié a refusé votre proposition de reclassement.
  • Aucun autre emploi dans votre entreprise n’est adapté au salarié inapte. Attention à bien vous justifier !

Pour procéder à la rupture du contrat de travail, vous devez alors respecter la procédure de licenciement pour motif personnel.

Licenciement pour inaptitude : 2 jurisprudences récentes à connaître

Les licenciements pour inaptitude font régulièrement l’objet de litiges entre employeurs et salariés. Ces litiges portent majoritairement sur les motifs du licenciement, et sur les modalités de calcul des indemnités.

Soyez irréprochable tout au long de la procédure de licenciement pour inaptitude ! En cas d’erreur, en effet, vous vous exposez à des risques.

  • Sur le plan financier : vous risquez d’être condamné au paiement d’une indemnité pour licenciement abusif.
  • Sur le plan de l’image : être en tort et condamné par une juridiction dégrade votre marque employeur.

Vous devez donc respecter scrupuleusement la loi, mais aussi vous tenir à jour des avancées jurisprudentielles. Zoom sur 2 jurisprudences récentes à propos du licenciement pour inaptitude.

L’inaptitude prévaut sur la faute lourde

Le 08 février 2023(1), la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur une problématique qu’aucun employeur ne peut écarter. En l’espèce :

  1. Le salarié est atteint d’une affection de longue durée, dont l’employeur n’a pas eu connaissance à l’embauche.
  2. L’employeur constate des comportements fautifs du salarié, et le convoque, en janvier 2017, à un entretien préalable de licenciement disciplinaire.
  3. Le salarié bénéficie d’une visite médicale en février 2017 : le médecin du travail le déclare inapte.
  4. Le salarié est licencié pour faute lourde.
  5. La Cour de cassation affirme que l’employeur ne peut prononcer un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, peu importe qu’une procédure de licenciement pour faute ait été engagée préalablement au constat d’inaptitude.

L’inaptitude d’origine professionnelle ouvre droit à des indemnités spéciales

Dans un arrêt du 12 avril 2023(4), la Cour de cassation rappelle le régime des indemnités de licenciement pour inaptitude. En l’espèce :

  1. Suite à un accident du travail, un médecin du travail déclare le salarié inapte, avec impossibilité de reclassement.
  2. Le salarié est licencié pour inaptitude d’origine professionnelle.
  3. L’employeur refuse de verser les indemnités spéciales de licenciement, au motif qu’il n’a pas failli à son obligation de reclassement.
  4. La Cour de cassation affirme que les indemnités spéciales de licenciement sont dues au salarié dont l’inaptitude est d’origine professionnelle, peu importe que l’employeur ait respecté son obligation de reclassement.

Si l’inaptitude au travail résulte d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, le salarié reçoit obligatoirement :

  • Une indemnité spéciale de licenciement : son montant est le double de l’indemnité de licenciement.
  • Une indemnité spéciale d’un montant égal à l’indemnité compensatrice de préavis.
  • L’indemnité compensatrice de congés payés.

Si l’origine de l’inaptitude n’est pas professionnelle, le salarié reçoit l’indemnité de licenciement classique et l’indemnité compensatrice de congés payés.

Inaptitude au travail : 3 bonnes pratiques à respecter

#1 Sensibiliser les salariés au dispositif de la médecine du travail

Détecter tôt une inaptitude permet de réagir vite. Ainsi, le salarié ne souffre pas de ses conditions de travail, et vous évitez que ses performances se dégradent. Ce sont les visites médicales qui permettent de détecter les inaptitudes.

  • Diffusez l’information, et incitez vos salariés à solliciter une visite médicale dès que nécessaire.
  • De votre côté, respectez le calendrier des visites médicales et demandez une visite médicale au moindre doute.

#2 Soigner la communication en cas de licenciement

Si le reclassement est impossible, vous devez licencier le salarié inapte. Licenciez-le avec tact ! Ainsi, le salarié vous quitte dans de bonnes conditions : vous réduisez le risque de poursuites aux Prud’hommes, et vous préservez votre marque employeur.

#3 Verrouiller les aspects légal & administratif

De l’entretien préalable du licenciement pour inaptitude, jusqu’à la remise des documents obligatoires : gérez d’une main de maître les aspects légal et administratif de la fin de contrat.

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